Les experts des droits de l'homme de l'ONU* ont demandé aujourd'hui au Cameroun de libérer le principal dirigeant d'opposition et les autres individus arrêtées lors de manifestations pacifiques à travers le pays, et de cesser les intimidations à l’encontre des militants politiques.
GENÈVE (12 octobre 2020) - Les experts des droits de l'homme de l'ONU* ont demandé aujourd'hui au Cameroun de libérer le principal dirigeant d'opposition et les autres individus arrêtées lors de manifestations pacifiques à travers le pays, et de cesser les intimidations à l’encontre des militants politiques.
Ils ont également demandé au Cameroun d’enquêter de manière impartiale sur toutes les violations des droits de l'homme, y compris les allégations de disparitions forcées, de détention arbitraire et de mauvais traitements infligés aux manifestants, et de traduire les auteurs de ces actes en justice.
"Nous sommes extrêmement préoccupés par les arrestations massives de manifestants pacifiques et de militants politiques qui expriment leur dissidence", ont déclaré les experts. Plus de 500 personnes auraient été arrêtées à la suite des manifestations organisées par l'opposition le 22 septembre, et quelque 200 seraient toujours en détention. Elles risquent d’être accusées de terrorisme et d'atteinte à la sécurité nationale et d’être jugées par un tribunal militaire pour avoir exercé leurs libertés fondamentales.
"Nous sommes préoccupés par l'usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques par les forces de sécurité camerounaises", ont déclaré les experts. "La violence contre les manifestants a été disproportionnée, avec utilisation de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour les disperser violemment".
Les manifestants se sont mobilisés dans tout le pays en réponse à l'appel lancé par le parti d'opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) pour réclamer un dialogue national, des réformes du système électoral et le retour de la paix dans les régions anglophones du pays. Les autorités ont interdit les manifestations dans certaines régions du pays et ont qualifié d'illégale toute tentative de rassemblement. Le gouvernement a également déployé un dispositif de forces de sécurité important pour empêcher les manifestations pacifiques.
Les experts ont également exprimé leur inquiétude face aux informations faisant état de tortures de manifestants pacifiques et de journalistes en détention. "C'est vraiment inacceptable", ont-ils déclaré. "L'interdiction de la torture et de toute forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant est absolue en vertu du droit international des droits de l'homme, et ne peut être justifiée".
Ils ont appelé le Cameroun à libérer le président du MRC, Maurice Kamto, qui est assigné à résidence avec sa famille depuis la nuit du 22 septembre. Les forces de sécurité l'ont empêché de communiquer avec les membres de son parti et ses avocats, et de prendre part aux manifestations.
"L'assignation à résidence de Kamto pourrait constituer une privation de liberté, en violation de ses droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, ainsi que de la liberté et à la sécurité de sa personne", ont déclaré les experts. "Nous avons déjà fait part de nos préoccupations à l'État et nous rappelons au Cameroun qu'en vertu du droit international, tout individu a le droit d'organiser et de participer à des réunions pacifiques, de s'associer avec d'autres et de prendre part à la conduite de la vie publique. Aucun de ces actes n'est un crime, et le Cameroun devrait célébrer et accepter la dissidence, car une véritable démocratie prend en compte les demandes de la population au lieu de les réprimer".
Des élections régionales devant avoir lieu dans tout le pays dans le courant de l'année, les experts ont appelé les autorités camerounaises à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un environnement propice à des élections pacifiques et transparentes.
"Toute action susceptible d'alimenter de nouvelles tensions sociales doit être évitée, et les voix du peuple et de ses représentants doivent être pleinement prises en compte", ont-ils déclaré.